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Puisqu’il vient d’être question des oiseaux, comment les évoquer désormais, sans aborder leur déclin. En France, est souvent évoquée une disparition de 30 % des populations aviaires entre les milieux bâtis et les milieux agricoles sur les trente dernières années. On mentionne même parfois quinze années.
Cet effondrement emboîte le pas à celui des insectes, et plus généralement à une fragilisation globale de la biodiversité, mais la disparition des oiseaux, leur chute, leur silence nous parle différemment. Et si effectivement ce silence nous parle, qu’il nous impacte, c’est que d’une manière ou d’une autre, les liens que nous entretenons avec les oiseaux sont singuliers.
L’auteure Marielle Macé, à travers plusieurs textes, prête attention aux multiples manières avec lesquelles nous tissons ces liens, comment leurs existences et les nôtres se côtoient et s’interpénètrent.
Comment les oiseaux peuplent notre quotidien, nos imaginaires, nos mémoires ; quel sens nous leurs donnons ; quel cadeau ils nous font par leur vol, par leur chant ; de quoi ils nous consolent ; qu’est-ce qu’ils apportent à nos vies et quel plaisir nous avons à les voir et à les savoir en vie ? Et donc, de quoi nous nous retrouvons amputés maintenant qu’ils disparaissent ? Maintenant que le ciel se vide et que les arbres se taisent.
Marielle Macé écrit : « La disparition du chant des oiseaux est la mesure sonore de ce qui arrive à notre environnement tout entier : de ce qui nous arrive. […] Les oiseaux non-chantent notre monde abîmé. »
Non-chanter, ce n’est pas se taire. C’est se taire et faire entendre que l’on se tait, faire entendre le silence monstrueux que cela produit. En somme, ce n’est pas tant que nous n’entendons plus chanter les oiseaux, mais bien que nous les entendons ne plus chanter. C’est un silence qui crie et qui assourdit, une absence qui pèse, qui parfois dévore.

La Conserverie, qui se trouve désormais toute proche de nous, est un lieu dédié à la photographie vernaculaire, qu’elle archive et explore de multiples manières. En 2021, elle proposait notamment une exposition et une édition, toutes deux intitulées Du vent au bout des doigts.
Du vent au bout des doigts présentait, à la suite d’un appel à participation, un ensemble de photographies sur lesquelles se rencontrent des humains et des oiseaux. Comme l’indique un texte introductif : « Il est question d’hommes, de femmes et d’enfants et de la fierté d’avoir été choisi par un oiseau pour se poser ».
Dans l’évidence de ces images aux provenances et époques variées, Du vent au bout des doigts nous donne à voir quelque chose de ce que Marielle Macé nous donne à lire. Cette affinité qui nous lie aux oiseaux, l’exposition et le livre la suggèrent, ils l’attestent et même, la prouvent.
Dans un article du journal Libération qui est consacré au projet, il est écrit que « l’accumulation de ces gestes tendres ferait presque croire à l’innocence de l’espèce humaine ». C’est que les oiseaux, donc, dans cette manière commune que nous avons de les approcher, nous disent aussi quelque chose de nous. Ils semblent éveiller en nous un attachement enfoui qui nous habite et que nous partageons : un point d’entente. Derrière la singularité des vies qui figurent sur ces clichés, et depuis elles, dans ce qu’elles ont de plus anecdotique, c’est ainsi une forme d’universalité qui ressort, qui rassure, et qui, quelque part, nous sauve.